Plotin contra Zostrien:
à la recherche des traces du dialogue avec les Gnostiques dans les traités 22 et 23 [VI.4 et VI.5]

Zeke Mazur
ajmazur@uchicago.edu

 

Dès le premier traité que Plotin écrit après l’arrivée de Porphyre (vers l’an 263), on peut discerner de nombreuses empreintes de sa rencontre avec les écrits séthiens qui circulaient dans son école. Le grand traité 22–23 (divisé en deux par Porphyre) vise des interlocuteurs non–indentifiés qui proposent plusieurs divisions hiérarchiques dans la realité metaphysique. Selon Plotin, ces divisions risquent d’endommager l’unité de l’Être, de séparer de manière trop rigide le divin du monde, et–– ce qui est encore pire–– de scinder l’âme particulière de sa source dans le Tout intelligible (un argument qu’il reprendra plus tard dans le Großschrift). On apperçoit que Plotin répond ici à des idées gnostiques que l’on trouve surtout chez Zostrien (NHC VIII,1), et l’on peut même reconnaître quelques échos des passages zostrieniens. Par example, il y a une parallèle frappante entre 23 [VI.5] 12 et Zost. 44–46, qui semble être une exégèse gnostique de la doctrine de la chute de l’âme chez Platon, Phèdre 247–250 (une péricope à laquelle on trouve aussi une réponse étendue dans Porphyre, Sententiae 40). Il est bien connu que Zostrien fut le cible d’un énorme oeuvre de réfutation de la part d’Amélius; il n’est donc pas surprenant que l’on trouve quelques traces d’un tel débat chez le maître lui–même. Mais la réponse de Plotin dans 22–23 paraît curieusement concessive (en contraste, par example, avec le ton irascible du Traité 33 [II.9]); et, en outre, Plotin s’y approprie de plusieurs images et concepts gnostiques pour ses propres arguments. Cet étude nous permettra de préciser non seulement l’attitude subtile de Plotin par rapport à la metaphysique gnostique (et la sotériologie sur laquelle elle dépend), mais aussi sa méthode critique face aux textes gnostiques dans la periode avant la cristallisation de son antignosticisme.